Paris-Madagascar en avion : comparaison du voyage entre 1939 et 2016

Article : Paris-Madagascar en avion : comparaison du voyage entre 1939 et 2016
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23 novembre 2017

Paris-Madagascar en avion : comparaison du voyage entre 1939 et 2016

L’année passée, à cette même période, j’étais à Madagascar pour la formation Mondoblog. Nous étions donc en 2016. Tout naturellement, pour m’y rendre, j’ai emprunté un vol long courrier. Mais 77 ans plus tôt, à quoi ressemblait le trajet de Paris à Madagascar en avion ?

Question difficile, me répondrez-vous… à moins que 😉

Il y a quelques mois, rangement des revues de ma grand-mère décédée. L’Illustration. N°5022 – 3 juin 1939. En couverture, une photo noir et blanc : le nez d’un avion se détache sur une mer de nuages. La légende : « En avion dans le ciel africain (voir les pages 185 à 192) ».

Lecture des titres : «Le voyage des souverains britanniques au Canada […] La reine des Pays-Bas en Belgique […] Pages en couleur sur la Yougoslavie… et la première partie d’un reportage exclusif sur la ligne aérienne France-Madagascar, par Pierre Ichac, envoyé spécial

Pierre Ichac est un reporter, photographe et explorateur français, né en 1901 et mort en 1978. Il connaissait bien l’Afrique (Sahara, Afrique noire) et a notamment travaillé pour L’Illustration et Paris-Match.

Dans cet article, en 1939, il décide d’emprunter le courrier de France lors de sa distribution en Afrique, et ce jusqu’à Madagascar.

L'une des illustrations de l'article
L’une des illustrations de l’article

À la recherche de la 2e partie de l’article…

Hum… J’arrive à la fin de l’article mais il n’est pas arrivé à Madagascar… Je regarde à nouveau la couverture. Il est stipulé « première partie », il faut donc que je trouve le numéro suivant ! Nous ne l’avons pas dans nos archives…

Je regarde en ligne, mais il faut payer pour accéder à ce numéro. Je demande à l’école de journalisme, mais les journaux L’Illustration ne sont pas très bien rangés dans le bibliothèque. Si je tombe sur le bon, ce serait pas pur hasard ! Le bibliothécaire fait tout de même des recherches pour moi : « À la bibliothèque municipale, ils ont toute la collection. »

Je décide de me rendre à la bibliothèque de Lille. Je checke tout de même avant sur Internet. Lundi après-midi : jour de fermeture. J’irai demain.

Le mardi c’est ouvert. Je me renseigne au guichet d’accueil. Je demande après le n°5023 de L’Illustration, qui doit dater de juin 1939. On me répond « Ça doit être avec la presse. Là-bas. » Je cherche, mais ne trouve pas. Je me renseigne à la dame du guichet presse : « Ah, mais c’est très vieux ça. Il faut demander au service patrimoine. Mais ils sont fermés le matin. Ils n’ouvrent que l’après-midi. » Je reviendrai un autre jour.

Jeudi. Au service patrimoine. Le Monsieur est très gentil. «L’Illustration ? N°5023  ? Oui, pas de problème, on l’a ! Pourrais-je seulement vous demander votre carte ?
— Hum… en fait, euh… j’ai oublié ma carte chez moi…
— Aucun souci ! C’est quoi votre nom ?
»

Quelques démarches plus tard, il m’annonce « Asseyez-vous dans un fauteuil, on vous l’amène dans une dizaine de minutes. » Et c’est en effet le cas ! Peu de temps après une dame arrive avec le magazine. Je peux me mettre à l’ouvrage.

Un itinéraire différent pour rejoindre Madagascar

Je ne connais pas très précisément l’itinéraire emprunté en 2016, mais je me souviens avoir survolé Le Caire (Égypte) et Nairobi (Kenya). Soit dans l’ensemble, plutôt l’Est de l’Afrique.

Lorsque j’ai lu « Je n’irai à Tananarive qu’après un crochet sur Dakar » dans l’article de Pierre Ichac, cela m’a un peu surpris. Un crochet, c’est peu dire ! Dakar est la capitale du Sénégal. Le Sénégal se situe à l’extrême Ouest de l’Afrique, ce qui est diamétralement opposé à Madagascar.

L’article se poursuit : « René Lefèvre va conduire par petites étapes à Marseille, à Alger, puis à El Goléa, à Gao, à Bamako et au Sénégal. » Cette phrase me permet de remarquer que pour P. Ichac, c’est réellement un crochet par Dakar. En effet, il descend à la quasi « verticale » (du Nord au Sud, en ligne droite) jusqu’à Gao, Mali. Ensuite, il dévie à l’Ouest : le fameux « crochet ». Enfin, il termine son voyage en direction du sud-est en suivant un tracé plus ou moins direct.

Le trajet de Pierre Ichac de Paris à Madagascar en 1939
Le trajet de Pierre Ichac de Paris à Madagascar en 1939

Et un temps de vol… long de quelques jours de plus !

En 2016, le vol dure 11h environ. Départ : 17 novembre 2016 à 13h40. Arrivée : 18 novembre à 2h30 (heure française).

En 1939, c’était un peu différent. « D’un avion à l’autre, d’un équipage à l’autre, à travers tout un continent trop souvent fait de terres et de cieux hostiles, par un itinéraire en beaucoup d’endroits encore mal équipé, nous venions, passagers et courrier, de parcourir de Paris à Madagascar plus de 11 000 kilomètres en six jours et demi. » 6 jours et demi, oui, oui.

Une phrase m’a beaucoup amusée : « Le retard, on fera l’impossible pour le rattraper le lendemain. » De nos jours, le retard, on fait tout pour le rattraper le jour-même ! Dans les heures qui suivent plutôt.

Et bien que les durées de vol en 1939 nous paraissent improbables, il faut bien se rendre compte que d’autres moyens de transport sont encore plus lents. « Le premier bateau à roue survient […].  Ses passagers doivent nous regarder comme nous les regardons. Nous serons à Stanleyville dans une heure cinquante ; eux, dans trois jours. »

Beaucoup, beaucoup, vraiment beaucoup d’escales

« Je viens de changer d’avion et d’équipage. J’en changerai demain à Elisabethville, j’en changerai encore plus souvent au retour avec mon crochet sur Brazzaville, mon séjour à Archambault. En revenant à Alger, j’aurai connu à peu près tous les pilotes, tous les radios, tous les mécaniciens d’Air-Afrique. »

Au fil du récit de P. Ichac, on se rend vraiment compte de la chance que nous avons aujourd’hui : une ligne directe entre la France et Madagascar, entre Paris et Tananarive.

Même pour des trajets plus courts, les escales étaient fréquentes : « Les passagers réguliers à destination de Brazzaville et de Tananarive embarquent au Bourget sur un avion d’Air France, traversent la Méditerranée en hydravion dans la journée même et repartent le lendemain pour Gao et le Congo ou Madagascar, à bord des avions d’Air-Afrique. »

La vidéo de mon voyage en 2016 :

Des améliorations techniques

Le premier avion emprunté par l’auteur est un Potez. P. Ichac explique que cet avion a une vitesse de 260 à 300 km/h, une bonne liaison radio, et qu’il peut « surmonter bien des obstacles ».  En 2016, l’avion volait à 900 km/h environ, soit 3 fois plus vite ! Les progrès sont considérables. Et c’est sans parler des vitesses qu’atteignait le Concorde entre Paris et New York il y a quelques années.

Lors de son voyage, il s’étonne d’une piste d’atterrissage en briques. « Surprise : la bande d’atterrissage est une magnifique piste en briques. Je n’en ai vu de pareilles qu’en Hollande. » C’est amusant de se dire que les briques étaient ultra-modernes à l’époque. Désormais, les pistes d’atterrissage pour les avions lourds sont construites en asphalte, en bitume ou en béton. Pour les avions les plus légers, elles peuvent être en herbe ou en terre battue.

Petit gag, mais P. Ichac fait aussi un peu de météorologie. En passant 6 jours et demi dans des avions, il en a eu du temps pour observer le comportement de l’aviateur face aux variations de la météo ! 😉 « La météorologie de l’aviateur diffère de celle du terrien en ce qu’elle se déroule non dans le temps, mais dans l’espace. Le terrien « attend » la fin de l’averse et nous la contournons. » Cela semble toujours vrai aujourd’hui !

Bidon-5 ou Bidon-V

Le plus vaste aérodrome du monde est Bidon-5, car il est sans limite, perdu au milieu du désert d’après P. Ichac, En effet, tous les 100 km, entre Reggane (Algérie) et Tessalit (Mali), sur la route transsaharienne du Tanezrouft, étaient placés des bidons pour permettre de se repérer en avion ou automobile.

Bidon-5 (aussi Bidon V) est l’un de ces bidons, mais c’était une base bien plus importante (ravitaillement en carburant, et même hôtel). Sur Bidon-5, on trouvait aussi le phare Vuillemin qui servait de balise pour les traversées nocturnes. Pour plus d’infos sur Bidon-V, je vous conseille cet article.

Aujourd’hui, il ne reste plus rien de Bidon-5 (à part quelques tôles).

Un double transport : passagers et courrier

P. Ichac suit le trajet du courrier de Paris à Madagascar, courrier transporté dans le même avion que les passagers. D’ailleurs, le terme « long-courrier » est issu de ce même transport du courrier (il fait aussi référence au terme maritime « long-cours »).

Et l’auteur de l’article tâche bien de le rappeler : « Ce récit rapide aura atteint son but si désormais, en lisant dans les journaux d’informations cette brève nouvelle : « Le courrier d’Alger de la régie est arrivé à Tananarive hier matin à 9 h. 45 G. M. T. », vous songez simplement qu’elle résume chaque fois une épopée. »

Je terminerai cet article sur une citation de Jules Verne que P. Ichac évoque au tout début de son article.

« Il ne suffit pas de traverser l’Afrique, il faut la voir. » – Jules Verne, Cinq semaines en ballon

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